vendredi

BD: Quelques jours avec un menteur


Quelques jours avec un menteur, de Étienne Davodeau.

Il y a des histoires qui vous transportent dans une autre galaxie. D'autres vous immergent dans une vie qui va devenir extraordinaire, improbable.
Et il y a ces récit de la vie ordinaire, celle qu'on connaît bien, qu'on a l'impression de trop bien connaître d'ailleurs.
Quelques jours avec un menteur est de cette catégorie.


Étienne Davodeau nous raconte les vacances d'une bande de potes, la trentaine, profils variés. Imaginez, 5 ans qu'ils attendaient de se retrouver entre eux, sans femmes, sans enfants, sans tracas...

Et là où il est très fort, c'est qu'en plus d'avoir un dessin agréable, dynamique et bien léché, il parvient à nous faire entrer dans cette bande de potes.
On a l'impression d'être l'un d'eux, qu'on les connaît depuis longtemps.


La conséquence de cette immersion, c'est que le quotidien de ces gens normaux devient d'un grand intérêt pour nous. On prend un malin plaisir à les entendre se chamailler, se balancer des vannes terribles, rire et pleurer...

Ca m'a rappelé le film "Le Coeur des Hommes". On s'identifie pleinement aux personnages, la lecture est très agréable, sans temps mort. L'humour, les réflexions plus profondes, et la fraternité sont les éléments porteurs de l'album, et une intrigue originale réhausse encore la qualité de l'ensemble, parvenant à prendre sa place sans être trop pesante.

Une lecture que je n'attendais pas aussi réussie.

BD: From hell

Bonne année !

Je vous propose de débuter l'année 2009 avec une histoire vieille de 120 ans, celle d'un certain Jack l'Eventreur... From Hell, de Alan Moore au scénario, et Eddie Campbell au dessin.


L'histoire :
Pour faire face à un chantage concernant la naissance d'un enfant né de l'union inavouable d'un petit-fils de la famille royale et d'une prostituée, la Reine Victoria dépèche son médecin, William Gull, afin de régler ce problème. Celui-ci, tout en suivant les ordres de la Reine, va néanmoins poursuivre ses propres plans. Les meurtres atroces qu’il va commettre à Whitechapel durant l’automne 1888 défrayeront la chronique… Le mystérieux assassin, surnommé Jack l’éventreur, ne sera jamais identifié par la police. Les crimes qu’il commet auront pour Gull/Jack l’éventreur une portée telle qu’ils provoqueront chez lui des visions terrifiantes d’un XXe siècle froid et inhumain…



On se retrouve plongé d'emblée dans un Londres glauque, pluvieux et sombre, où la prostitution et la pauvreté prospèrent (si on peut dire).

Le dessin de Campbell fait ressortir cette atmosphère pesante de façon palpable, mais il en résulte un trait difficile, parfois confus. Pour certain, indigeste, surtout au début.

Mais lorsqu'on a passé ce cap, on sombre dans l'Enfer crasseux des bas fonds du Londres de l'époque, où les différents stades de la folie sont partout. Et ce dessin p
eu évident à appréhender participe activement à cette descente.

Alan Moor
e nous délivre une hypothèse complètement plausible, avec des références innombrables et précises, rajoutant de l'eau à son moulin de la vérité.

Un énorme travail, qui porte ses fruits car l'immersion est complète.

Ce pavé de 600 pages en noir & blanc rebutera bon nombre de lecteur, surtout à cause du dessin, qui passeront à côté d'une oeuvre forte, qu'on remerciera presque de nous avoir soufflé la vérité sur cette énigme, car la réussite principale des auteurs est de nous convaincre implacablement de leur conviction.

mardi

BD: La croix du Sud


Un one-shot très surprenant : La Croix du Sud, de Luis DuranRaquel Alzate au dessin.

Résumé : Elle s’appelait Mailis. C’était une sorcière. Un jour, les hommes de main d’un puissant seigneur l’ont tuée. Ils ont ramené sa fille Iliana au château, où elle fut condamnée à effectuer des tâches exténuantes sous les moqueries des habitants. Mais Iliana, fille de sorcière, n’est pas une enfant comme les autres.Au château, elle découvre l’existence de Dominique, jeune garçon amené il y a quelques années par une troupe de troubadours et dont personne ne connaît les origines. Une amitié va naître entre les deux enfants rejetés par tous…

Il s'agit d'un conte médiéval, où la cruauté est omniprésente.
Le scénario est relativement simple, comme dans tous les contes. Ne vous attendez pas à une floppée de rebondissements, mais plutôt à une histoire qui se lit très rapidement, avec
peu de dialogue.

Peu de dialogue, ce n'est pas un mal, car ça laisse d'autant plus de place au dessin somptueux de Raquel Alzate.

On reste bouche bée devant ces peintures d'une profondeur inouie. Les expressions des visages sont à vous nouer les tripes. A la beauté du dessin en lui même, se rajoute la recherche de couleurs et d'éclairages de très grande classe.
On voit rarement ça dans le monde de la Bande-Dessinée.

Il y a des cases effroyables de tristesse, d'autres rayonnantes d'espoir... c'est superbe.

Il s'agit du premier album de Raquel Alzate, et bien cette Espagnole est pour moi du même acabit que Guarnido, dessinateur de Blacksad, quant à la claque qu'elle inflige. Je lui souhaite au moins autant de réussite.
La BD ibérique à le vent en poupe ces temps-ci.

Artiste: Greg Simkins


Je vous présente un artiste de génie, Greg Simkins.

Au hasard de mes tribulat
ions à travers le Web, je suis tombé sur le site de ce dessinateur hors norme.

Pour moi, ce fut une grosse claque. J'adore les couleurs, le style complètement barré mais maîtrisé, et c'est même parfois un peu malsain.

Admirez ci-contre sa vision d'Alice au pays des merveilles, ou encore les
drôles de créatures sorties tout droit de son imagination débordante, et étrange...

Allez voir son site. De nombreuses illustrations s'y trouvent, mais également des créations dans d'autres domaines, comme la photo.

Le site de Greg Simkins : www.imscared.com

BD: Héros


Un album original, Héros, de Flix. Cette BD est une sorte d'autobiographie anticipative de la vie de l'auteur (forcément), Flix, qui est né dans les années 70 en Allemagne.

Il va nous faire suivre son histoire, sa vie. De la naissance jusqu'à sa mort. Passé, présent, futur. Je vous l'avais dit que c'était un ouvrage d'anticipation, en partie du moins.
Le concept est original, et Flix a présenté cet ouvrage comme projet de fin de ses études d'arts graphiques. L'album se présente en petit format souple d'une centaine de pages en noir et blanc. C'est encore particulier dans la BD européenne, et j'aime assez.

Le dessin de
Flix est dynamique, pas particulièrement technique mais très propre et je dirais "efficace" dans l'ambiance de l'album. Mais ça ne sort pas du lot, en ce qui concerne donc le trait. Car au niveau de la composition des pages et des cases, c'est assez innovant. On parfois frôle la confusion, mais c'est parce que Flix parvient à nous sortir de nos carcans de lecture bien ordonnés. Et ça fait du bien !


D'ailleurs ça s'inscrit dans la dynamique générale que nous procure la lecture de Héros. L'histoire est tout simplement géniale. C'est plein d'humour, de références, de réflexions intéressantes, de poésie. L'approche de la mort, de sa mort, semble exalté le talent de réflexion et de poésie de l'auteur. J'ai vraiment eu le sentiment que l'histoire devenait de plus en plus mûre, mature. Qu'elle grandissait. Bon Dieu, une histoire vivante !

Tout n'est pas parfait dans cet album. Certains points de l'histoire restent un peu énigmatique pour moi, et les problèmes liées à la traduction de l'Allemand vers le Français se font parfois sentir dans cet album intimiste.


Mais ne boudons pas notre plaisir, on referme cet ouvrage avec le sentiment, comme il est dit dans le bouquin, qu'
on ne devient pas un héros. On est un héros. Chaque putain de jour de sa vie.

Ca vous remet du baume au coeur pour pas mal d'années.

Bravo Monsieur Flix.

BD: Lucille


Oeuvre à part dans le paysage BDvisuel,
Lucille, de Ludovic Debeurme, chez l'excellent éditeur Futuropolis, fait vraiment figure d'OVNI dans ma petite collection.

Le récit nous fait suivre la vie de deux adolescents, qui traversent des moments difficiles. Des ados normaux donc,
Lucille et Arthur. Ils n'ont rien en commun, et pourtant, ils vont se rencontrer, et leur vie va changer.
Pour savoir comment, il faudra passer à la lecture.

Et lire un pavé de 500 pages, je vous assure que ça fait un peu peur, de prime abord.
Mais le talent de
Ludovic Debeurme nous procure une lecture aisée, lisse.
Il a pu s'étendre sur l'intimité de ses personnages, les rendant très réels, et sans jamais lasser.
Et pourtant, je vous assure que suivre les mésaventures, parfois très dures, du quotidien, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé. On en vit assez personnellement, pourquoi s'intéresser à celles des autres ?
Mais là, c'est ... différent.

Le dessin de
Ludovic Debeurme est assez difficile d'accès. Il va à l'essentiel, c'est très dépouillé voire économique. Mais ça ne fait qu'étayer la force de certaines situations, et ça permet d'accroître la fluidité de la lecture.
Mais avouons-le, ce n'est pas "beau", si on compare à ce qui se fait d'habitude.
Justement, ce livre nous fait sortir de nos petites habitudes, et c'est un grand mérite en ce qui concerne la forme.

Lorsqu'on referme ce bouquin, on repense à la vie de
Lucille et Arthur, et on repasse dans sa tête le florilège d'émotions qui nous a été transmis. Les personnages ont pris un peu vie, on les connaît comme des amis.
Preuve en est qu'il s'agit bien là d'un petit chef d'oeuvre de la bande-dessinée.

lundi

BD: Les orphelins

Commençons ce site par un article sur Les Orphelins, de Cyril Knittel, aux éditions Paquet. Il s'agit d'un dyptique, et ce premier tome s'intitule sobrement "Première partie".

Histoire: Cette histoire se déroule au commencement du Monde. Elle raconte la création du Soleil et de la Lune. Car ces deux grands astres ne sont pas issus d’un conflit épique, ni d’une intrigue aventurière, mais simplement d’une histoire d’Amour. Dans un monde plongé dans une nuit sans fin, habité par des animaux doués de parole, vivent Fêne et Tïa, les Orphelins, seuls représentants de leur race. La
vie s’écoule paisiblement pour eux, jusqu’au jour où une mystérieuse rencontre va affecter Tïa, qui décide de partir pour trouver des réponses… Accablé, déséspéré et seul dans un monde où règnent désormais la mort et la famine, Fêne finira par assister médusé à un événement inédit: le premier lever de Soleil… Qui sont ces Orphelins ? Quel est le secret de leur origine? Quelles relations entretiennent-ils avec le monde ? Les animaux semblent en savoir plus long qu’ils n’en disent…

La première chose qui me vient à l'esprit après la lecture de cet album, c'est la beauté de l'ensemble de l'oeuvre.

Le dessin de Cyril Knittel est un brin enfantin, très dynamique, et un régal pour les yeux. Sa colorisation permet à l'ambiance nuiteuse de s'installer avec aisance, mais attention, ce n'est pas sombre, obscur ou glauque du tout. C'est vivant et rafraichissant. Les personnages sont très expressifs et attachants, grâce à la vie qu'a su leur insuffler l'auteur.

L'histoire n'est pas en reste, elle m'a particulièrement accroché. Je l'ai perçu comme une sorte de mélange entre un conte et une parabole biblique.
On s'interroge sur beaucoup de choses, on se surprend à accompagner les orphelins dans la découverte de leur monde, entouré de mom
ents tristes, de joie, de cruauté (rah les loups!) et de tendresse.

Cet album creuse en nous, jusqu'à toucher notre côté enfant, nous ramenant à l'époque où l'on découvrait le monde autour de nous, jusqu'au moment où l'on devait "choisir", un peu forcé, de devenir adulte. J'espère que la 2e et dernière partie de ce récit sera de la même veine, et pourra alors, mieux que de nous bousculer, nous renverser.

Une BD inattendue, un joyau d'originalité.